Quand Anne a une idée… elle ne l’a pas ailleurs
Le nez devant son écran d’ordinateur, la page ouverte sur le site de l’atelier des 100 Vœux, Charlotte raccroche le téléphone, et le repose sur le bureau. Elle est un peu épatée par la tournure que prennent les événements. C’est que tout semble s’accélérer, en ce début du mois de mars.
Elle part au Japon dans deux semaines.
À cette pensée, elle se dit qu’elle a initié quelque chose qui est en train de lui échapper : et c’est tant mieux. C’est exactement ce qu’elle voulait, Charlotte. Réunir la famille, et inspirer son entourage à faire de même, à s’impliquer. Elle vient d’avoir Maryam au téléphone, qui lui a timidement parlé d’Alice, leur plus vieille pote, avec Madeline. Elles n’ont plus vraiment de nouvelles depuis quelques temps. Et Maryam voudrait aller à Lille, la retrouver, lui annoncer la grossesse de Madeline, et peut-être même la faire participer à la Couverture !
Charlotte a souri jusqu’aux oreilles en entendant cela, même si elle a décliné l’offre : on ne peut pas être au four et au moulin ! Elle est raisonnable, Charlotte, mais pas seulement : elle pense que ce n’est pas vraiment sa place. Justement parce qu’elle se voit comme un catalyseur, plutôt que comme une actrice principale. Elle a lancé le pavé dans la mare : les ondes circulaires feront le reste, touchant les poissons, les algues, les roches en dessous, les insectes et les oiseaux au-dessus.
Elle descend à la cuisine, l’appel de la faim se faisant sentir : l’estomac se creuse en même temps que les méninges !
La voix d’Anne résonne dans le couloir, apparemment au téléphone. Charlotte s’interrompt, puis quand elle comprend que sa mère parle avec sa grand-mère, elle entre dans la cuisine. Anne, à la fenêtre, fume une cigarette et fait un signe de tête à sa fille, en articulant silencieusement :
— C’est ta grand-mère.
Charlotte lui sourit et se prépare son snack : banane, fruits secs, thé vert. Eh oui ! Charlotte tenait une salle de sport, avant. Elle était coach sportive, et avait beaucoup de succès. Et elle n’a jamais abandonné son hygiène de vie, en dix mois. Même si elle a dû passer les rênes de son entreprise, momentanément.
— Oui, j’entends bien. Mais tu es sûre, Maman ? Je veux dire… on le connaît, toi et moi.
Charlotte en déduit qu’elles parlent de Marc, son père, ou Peter, son grand-père. Elle aura un compte-rendu après, de toute manière.
— Je comprends, Maman… Enfin ça m’empêchera pas de penser qu’il y a anguille sous roche !
Anne s’esclaffe, ajoutant :
— Oh, j’ai de qui tenir, non ?
Charlotte ne sait toujours pas de qui elles parlent, mais elle est sûre d’une chose : sa grand-mère vient de reprocher à sa mère sa tête de pioche. Ce en quoi elle n’a pas tout à fait tort, pense Charlotte qui a grandi avec la ténacité de sa maman. Imaginer la remarque de sa grand-mère la fait sourire, car si Anne réagit ainsi, c’est que les vieilles tensions mère-fille sont un peu apaisées.
Anne raccroche et Charlotte l’interroge du regard, sans rien dire, continuant son goûter.
— Bon, tes grands-parents se sont réconciliés, mais Papa persiste à dire qu’il était simplement choqué et de mauvais poil ce jour-là, et moi je pense qu’il y a autre chose… Il m’a servi le même discours quand j’y suis allée, l’autre jour !
— En même temps, Maman, il y avait de quoi, être en colère…
Anne soupire… Comment admettre que quelqu’un a raison et tenir sa position quand-même ? Oh, mais c’est une pirouette que l’acrobate maîtrise parfaitement !
— Oui, ta grand-mère a fait très fort, je dois bien l’avouer. Nous cacher qu’elle avait des nouvelles de Sally pendant un an et demi… Je ne la pensais pas capable de ça ! Mais bon…
Charlotte éclate de rire. Elle sait tout ce que contient ce tout petit « Mais bon… » de sa mère. Ce refus absolu d’avoir tort, sans pour autant invalider l’opinion de l’autre : fortiche, la maman !
Anne regarde sa fille, amusée. Elle sait très bien ce qu’elle pense.
— Quoi ? Dit-elle, innocemment.
— Non, rien… Enfin rien que tu ne saches déjà, dit Charlotte avec un sourire en coin.
En remontant dans sa chambre, revigorée et rassurée que le couple de ses grands-parents ne soit pas non plus sur la pente raide – manquerait plus que ça ! Charlotte reçoit un message : Maxime.
« Hello l’amie. Une soirée au bar, samedi ? Rien que toi et moi, Madeline sera à Lille et Élie a déjà prévu un truc. »
Elle sourit. Il faut dire que, depuis des mois, ils ne sortent plus. Et ce n’est pas maintenant que Maddy est enceinte qu’ils vont recommencer à faire la chouille. La vie bouge, change, évolue, et bientôt, Maxime sera papa. Alors Charlotte accepte, de bon cœur.
En route pour Lille
Madeline est installée à côté de Maryam, dans le train qui les emmène vers Lille, en ce pluvieux samedi de mars. Alice a semblé heureuse de leur proposition, et elles n’ont pas réfléchi à deux fois avant de réserver leur logement, dans le centre-ville. Elles filent depuis une vingtaine de minutes dans le TGV qui les amène vers leur amie. L’élément manquant à leur trio depuis quelques années, et quel élément !
Alice, c’est la fille intenable, fêtarde, les cheveux toujours colorés en bleu, ou en rose, ou en vert, parfois rasés d’un côté… C’était le facteur folie de Madeline et Maryam, plus réservées et plus classiques, mais bizarrement, leur équilibre avait toujours bien fonctionné.
— Tu as hâte de la retrouver ? Demande Madeline à Maryam.
— Oui…, j’espère juste qu’on ne se fait pas de films…
Beh, Maryam, que t’arrive-t-il ? Ah oui, ça… Se faire des films, comme imaginer que le garçon sur qui on a un peu craqué va soudainement devenir fidèle et se poser alors que c’est un coureur ?
Mince, voilà les larmes qui se pointent dans les yeux de Maryam, qui détourne le regard.
Intriguée, Madeline se doutait déjà que quelque chose n’allait pas, au vu de la figure de trois pieds de long de son amie, mais là, elle sait pour sûr que ça n’a rien à voir avec Alice. Elle pose tout doucement sa main sur l’avant-bras de son amie, qui regarde obstinément par la fenêtre, incapable de cacher ses larmes.
— Tu veux en parler ?
Alors Maryam inspire, expire, et raconte. Comment ils ont commencé à coucher ensemble avec Élie, il y a de ça huit mois, après une soirée trop arrosée. Comment elle a tout fait pour se blinder et ne jamais tomber amoureuse de lui.
Madeline soupire… Eh beh, c’est réussi… Elle s’est toujours dit qu’elle plaindrait sincèrement la fille qui tomberait amoureuse du cousin de son mari, elle ne pensait pas qu’elle devrait consoler sa meilleure amie. Mais quel mufle !
— Et voilà… je suis partie, sans me retourner, mais…
Maryam doit s’arrêter pour se moucher, essuyer ses yeux. Elle inspire, expire, et reprend.
— Mais je suis amoureuse, Madeline, finit-elle en pleurant pour de bon.
Maddy passe son bras autour des épaules de son amie, à moitié gênée de cette démonstration émotionnelle dans le train, et à moitié sincèrement désolée pour son amie.
— Tu sais quoi ? Ça va te faire du bien, ce weekend un peu loin de tout ça ! On va aller boire un verre avec Alice, c’est sûr qu’on va rigoler. Et puis, ça tombe bien, on va dans la ville parfaite pour déguster les meilleures bières, hein ?
Maryam renifle, se mouche, et hoche la tête. Elles arrivent dans vingt minutes, déjà.
Pendant que Maryam s’absente aux toilettes, Madeline se pose quand-même des questions. Parce que cela fait quelques jours, une dizaine, environ, qu’il ne répond plus vraiment à Maxime, et il a même prétexté un truc complètement bidon pour ne pas sortir ce soir. Ce qui ne lui ressemble pas vraiment. Mais, connaissant Élie, elle sait bien qu’il est tout à fait possible qu’il ait merdé. Elle se promet d’en parler à Maxime, à leur retour.
Rien qu’à penser au retour, elle sent son ventre qui se noue, et ça n’a rien à voir avec le bébé… Madeline serre les dents, rejetant la flopée d’images et d’odeurs qui lui viennent et l’envahissent, amenant son travail jusque dans ce train, à plus de deux cents kilomètres de là. Le stress, le palais de justice, les collègues… Madeline s’ébroue, chassant tout cela de son esprit. Elle prend une grand inspiration, et relève la tête vers Maryam qui revient s’asseoir, rafraîchie, affichant un sourire un peu forcé sur le visage.
Une fois sorties du train, leurs affaires déposées dans l’appartement qu’elle ont loué pour le weekend, Madeline et Maryam, requinquées toutes les deux par la perspective de revoir leur amie d’enfance, partent bras dessus, bras dessous, devisant comme deux jeunes perruches joyeuses.
— Et tu penses qu’elle aura les cheveux de quelle couleur ? Demande Maryam, les yeux brillants.
— Je dirais… rose au-dessus, et violet en-dessous !
Maryam éclate de rire.
— Oh, oui ! C’était la couleur qu’elle s’était faite après sa rupture avec Tom !
— Ça lui avait réussi, glisse Madeline, malicieuse.
Elles parviennent à ne pas se perdre, et arrivent à l’endroit où Alice leur a donné rendez-vous : le Black Night. Un bar rock, ce qui n’a pas étonné les deux filles, étant donné que, depuis ses quinze ans, Alice n’a pas loupé un seul festival du Hellfest.
Devant le petit bar sans prétention qui fait l’angle, à la devanture noire et rouge, se tient une jeune femme, dans la vingtaine. Elle a les mains dans les poches de son mom jean déchiré, son t-shirt noir passé affichant les Ramones négligemment rentré dedans. À ses pieds, des bottines à plateforme, noires.
Elle relève ses yeux vairons vers la rue, où elle aperçoit deux filles élégantes approcher, riant gaiment en marchant vers elle. Alice sent son cœur accélérer, elle a tellement peur que ses amies lui en veuille, de ne pas avoir donné de nouvelles pendant si longtemps.
Et, en se forçant à afficher un petit sourire, elle passe une mèche de ses cheveux raides derrière son oreille. Une mèche blonde.
Charlotte se prépare
Charlotte pose son fer à boucler, en réarrangeant ses cheveux brillants. Ça faisait un moment qu’elle ne s’était pas maquillée pour sortir, et elle a l’impression de renouer avec une ancienne part d’elle-même. Elle plonge son regard dans le miroir, et n’est pas mécontente de ce qu’elle y trouve. Elle aurait aimé avoir une opinion féminine supplémentaire, mais Anne n’est pas rentrée et Charlotte part retrouver son ami, seule.
Vivre un tel drame l’a isolée de son cercle habituel. Elle ne leur en veut pas, mais petit à petit, tout le monde s’est éloigné. Mois après mois, en voyant qu’elle ne passait pas à autre chose – sans blague, une de ses copines lui avait sorti ça, vous y croyez ? Tout le monde avait fini par lâcher l’affaire. C’était elle, l’affaire.
Seul Maxime et Élie étaient restés, et pas seulement parce que le premier était aussi son beau-frère. Il était resté, comme un ami, un vrai. Avec Madeline, et le reste de sa famille, Charlotte avait pu sortir la tête de l’eau.
Alors ce soir, quand elle se regarde dans le miroir, elle est plutôt satisfaite, et fière d’elle. C’est la première fois qu’elle ressort depuis même avant sa grossesse.
Elle referme la porte de l’immeuble, remonte le col de son manteau sur son écharpe, et sourit.
Alice n’a pas les cheveux roses
Ni bleus, ni verts. Elle porte son blond naturel, elle n’est même pas rasée, rien ! Alors ça, c’est épatant, et drôle : les filles ont manqué ne pas la reconnaître.
En voyant leurs expressions, Alice a eu un vrai sourire, tandis que Madeline et Maryam parcourent les derniers mètres qui les séparent de leur amie.
— Alors, combien ?
Elles ouvrent de grands yeux, surprises par la question.
— Combien vous aviez parié pour ma couleur de cheveux ? Demande malicieusement la Lilloise, qui rigole cette fois franchement, entraînant les deux autres dans sa suite.
— Oh, Alice ! Dit Madeline en la prenant dans ses bras. Rien du tout, c’est pas notre genre, tu nous connais.
Maryam a tôt fait de se joindre à ce câlin. C’est trop chou ! Je crois que je vais verser une petite larme, moi ! Allez les filles, on veut tout savoir, nous !
Enfin, elles prennent place à l’intérieur. Un grand type un peu dégingandé vient les voir, longs cheveux noirs attachés en queue de cheval basse et bras recouverts de tatouages.
— Salut Alice, fait-il d’une voix très grave. Comme d’habitude ?
Elle hoche la tête et les filles opinent également, un peu impressionnées. Elles sont encore plus surprises quand le patron – puisque c’est lui – ramène sur la table trois Perrier-citrons avec des pailles en bambou.
Quand il voit le regard de Maryam sur la paille, le type s’esclaffe.
— Eh, dis, c’est pas parce qu’on aime le rock qu’on est pas engagés sur d’autres fronts, lance-t-il d’une voix bourrue.
Maryam balbutie une excuse, mais le type est déjà reparti, non sans un clin d’œil, derrière son bar.
— T’inquiète, Dani est comme ça avec tout le monde, c’est un chic type.
Puis elle profite du silence de ses amies pour enchaîner.
— Je sais qu’il y a pas mal de changements qui vous surprennent, mais s’il vous plaît, racontez-moi d’abord vos vies… après, je vous dis tout.
Alors, Madeline raconte Maxime, la maison… et sa grossesse.
— Mais ça ne se voit pas du tout ! S’écrie Alice en louchant sur le ventre de son amie.
— Non, fait Madeline en rigolant. C’est normal, je n’en suis qu’au troisième mois ! Mais ça va arriver vite… ! Et en fait, j’ai un truc à te proposer…
Alice a le regard qui pétille, quand Madeline et Maryam se mettent à lui parler de la Couverture des 100 Vœux, qu’elles lui parlent de l’atelier, des tissus à choisir, du carnet… Ça lui met du baume au cœur, à Alice, ça lui fait chaud partout. Elle a toujours trouvé que le couple Mad-Max était parfait – tout comme ce surnom, trouvé par Élie au début de leur relation, et dont il ne se lassait pas.
Tiens, ça lui fait penser, à Alice, comment va ce drôle de bougre, elle demande à ses deux amies. Là, c’est Maryam qui est obligée de lui expliquer…
— Mazette ! Élie et Maryam ! Qui l’aurait imaginé ?! Pas trop secouée ?
Bizarrement, Maryam a repris du poil de la bête, loin de Paris, et au milieu de ses deux amies. Que ça fait du bien !
Mais, comme Alice s’y attendaient, elles finissent aussi par épuiser ce sujet-là – et croyez-moi, ces trois-là qui parlent ensemble, ça fuse, ça va vite, et les sujets sont couverts comme dans un JT : en moins de cinq minutes !
— Bon, et toi, alors ? Demande doucement Madeline.
Alice prend une inspiration, et les filles sentent que l’air vient de changer, l’ambiance a tourné, elle s’est comme posée, comme un grand oiseau de proie, ou une épaisse fumée, autour d’elles.
— Moi…, eh bien…
Alice marque un silence, le temps de réfléchir, et décide de ne pas tourner autour du pot.
— Si je ne vous ai pas donné de nouvelles depuis bientôt deux ans, c’est que, il y a deux ans, j’ai été diagnostiquée de la maladie de Crohn.
En voyant la tête de ses amies, décomposées, Alice ajoute rapidement :
— Vous inquiétez pas, ça va. Mieux.
Tu as raison, Alice, pas la peine de faire durer le suspense… Madeline prend la main de son amie, et Maryam souffle un « merde » bien placé.
— Et ça… implique quoi, sur ta vie de tous les jours ? Demande Maddy, toujours pragmatique.
— Eh bien, cette saleté fonctionne par poussée. Pour le moment, je n’en ai une qu’une seule, mais elle a duré des mois, et ça a été plutôt difficile, je vais pas vous le cacher. Là, ça va mieux grâce au traitement de fond, et à mon régime alimentaire. Ça se tient et ça m’emmerde plus depuis quelques mois.
— D’où le Perrier, note Maryam avec un sourire triste.
— Ouais, dit Alice en lui rendant son sourire. Je suis con, j’aurais dû vous en parler, mais j’ai pas pu, et je me suis recentrée sur ma vie ici. Ça fait du bien de vous retrouver, les copines, ajoute-t-elle presque dans un murmure.
De l’autre côté du bar en fausses briques, Dani observe sa petite protégée, qui tient les mains de ses amies, et il a un sourire rassuré.
Maxime se jette à l’eau – ou plutôt, dans la sangria
Le Dix Bar est bruyant, minuscule, fidèle à sa réputation. Ça sent la sangria – celle qu’on renverse par terre dans un geste généreux et alcoolisé, et celle qu’on exhale après quelques verres. L’ambiance est joyeuse, riante, dans le tout petit rad d’Odéon, même si Charlotte n’était plus habituée. Un verre de la célèbre boisson du patron a suffit à la détendre.
— Bon, continue Maxime, parti sur sa lancée depuis quelques phrases trop floues déjà.
Charlotte aimerait bien comprendre où il veut en venir, avec cette introduction longue comme un jour sans pain. Elle est ravie de voir que son initiative a inspiré ses proches, mais elle ne voit pas bien ce qu’elle vient faire là-dedans, entre Élie, Antoine, Elena et Pépé Jeannot.
— J’aimerais que t’ailles récupérer Pépé avec Élie, lâche-t-il soudain, très vite, comme si les mots lui brûlaient le gosier.
— En Auvergne ?
— Oui.
— Après mon voyage ?
— Oui…
— C’est une blague ?
Maxime la regarde, tout penaud.
— Non…
Charlotte part d’un rire irrépressible.
— T’y trompe pas, c’est nerveux ! Dit-elle, les épaules tressautant.
Maxime n’ose pas rire, mais il sourit et reprend une gorgée de sangria. Mince, il fallait bien ça pour se donner le courage de demander un truc pareil.
Alors que Charlotte reprend son souffle, un homme s’approche, les yeux rivés sur la jolie femme dont le rire est charmant, contagieux et magnifique – du moins pense-t-il. Maxime le voit arriver, mais le type n’a d’yeux que pour Charlotte. Il se penche vers elle.
— Excusez-moi… Mademoiselle, vous êtes magnifique.
Charlotte relève un regard étonné vers la voix qui vient de l’appeler mademoiselle.
— Et vous êtes ?
Grand, beau gosse et charmé : Charlotte ! Ouvre les yeux !
— Julien, et j’espère que je n’outrepasse aucune limite…
— Non, nous sommes amis, dit-elle en désignant Maxime. Mais, nous passons une bonne soirée entre nous, et c’est gentil, mais nous allons la finir entre amis, merci.
Vous parlez d’une déconfiture. Le type s’excuse, leur souhaite une bonne soirée et s’éloigne, non sans un dernier regard vers cette femme superbe qui vient de l’éconduire aussi naturellement que gentiment. Maxime ne peut s’empêcher de sourire assez largement à son amie.
— Eh beh…, dit-il. Je crois que tu viens de lui briser le cœur !
Charlotte hausse les épaules, mais au fond, elle sourit intérieurement. Elle sait qu’elle a passé un cap, ces dernières semaines. Un cap qui va l’amener au Japon, mais qui l’a aussi rendue capable de sortir dans un bar, et d’apprécier sincèrement d’être séduite, sans arrière pensée. Un cap qui fait qu’aujourd’hui, elle peut rire, et même avoir envie de danser, sans se sentir coupable de vivre.
Alors, portée par la folie du moment et ivre d’aventures, elle lève son verre vers Maxime, qui trinque avec elle, ravie de voir ce sourire sur le visage de son amie.
— On trinque à quoi ? Demande-t-il.
— Eh bien… À mes aventures au Japon, et en Auvergne, qu’en dis-tu ?
— Merci ! Merci ! Merci !
Alors que Maxime va recommander un pichet, Charlotte s’appuie sur le dossier de sa chaise. C’est quoi ce truc qu’elle sent, derrière son sternum ? Ne serait-ce pas… presque… de la joie ?
Elle prend une grande inspiration, impressionnée par le tour que prend sa vie, émue, et reconnaissante. Car c’est encore timide, mais c’est bien là. Cette joie de vivre, de nouveau.