Un pavé dans la mare
Maxime s’adosse au muret de la cour, profitant de sa pause matinale. À trente-et-un ans, il peut s’estimer plutôt fier du chemin qu’a pris sa carrière : après de brillantes études et un doctorat à l’École Normale Supérieure en neurosciences, il est désormais chercheur en sciences cognitives et comportementales. Il officie dans une équipe de recherches, dans les locaux historiques du centre parisien, gage de prestige et de peintures écaillées.
Mais ce matin, ce n’est pas vraiment au boulot que pense Maxime. Il pense à sa femme, et à l’enfant qu’elle porte. Il a la sensation, Maxime, qu’il entre dans l’inconnu le plus total et qu’il ne peut s’attendre ni se préparer à rien. Il pousse un long soupir ; bien sûr qu’il sait la part d’imprévu que comporte toute grossesse. Bien sûr qu’il sait le saut dans l’inconnu qu’il s’apprête à faire en tant que tout jeune papa.
Il écrase sa cigarette dans le cendrier de la cour en soupirant, il a promis à Madeline qu’il arrêterait pour le bébé.
Mais il n’a pas pensé à la famille, Maxime. La sienne autant que celle de sa femme. Et là-dessus, il y en a, des facteurs imprévisibles ! Des détonateurs et des bombes à retardement, et des courants de vieilles rancœurs qui peuvent tout emporter sur leur passage.
Son téléphone se met à vibrer dans sa poche : un appel. Un coup d’œil à sa montre lui indique qu’il a encore quelques minutes de pause. Il regarde l’écran qui s’allume : tiens, quand on parle du loup…
— Allô, Charlotte ?
— Maxime ! Fait une voix enjouée à l’autre bout du fil.
Charlotte, il la pratique depuis plus de quinze ans. C’était une fille à qui tout réussissait, avant. Et l’une des rares amies avec laquelle il n’y avait jamais eu aucune ambigüité. Et puis, Maxime avait tôt fait de tomber éperdument amoureux de Madeline. Il est resté presque six ans sans rien dire, et avait tout avoué à Charlotte avec l’aide d’un bon rhum arrangé qu’il venait de ramener des Antilles.
Charlotte avait éclaté de rire, le regard brillant, en lui demandant s’il ne la prenait pas, par hasard, pour un lapin de six semaines. Voyant le jeune homme rougir terriblement, elle avait donné sa bénédiction de grande sœur, à condition que Maddy soit d’accord et qu’il ne lui fasse aucun mal.
Depuis cinq ans, Maxime est le plus heureux des hommes. Il n’a jamais aimé qu’une seule femme, et il trouve incroyable que, sur toutes les probabilités possibles et imaginables, elle l’ait aimé en retour.
Et, depuis neuf mois, depuis le cataclysme dont son amie parle à peine mais qui se lit sur les traits tirés de son visage, il a été très présent pour elle, tout autant que Madeline. Il se demande ce qu’elle prépare : cela fait longtemps qu’il ne l’a pas entendue comme ça, et ils ont bien dû s’avouer qu’ils ont été pris de court par sa réaction, quand elle a compris, pour la grossesse…
— Quel bon vent t’amène ?
— Le meilleur, répond-elle, laconique mais le sourire dans la voix.
Maxime ne sait pas encore à quelle sauce il va être mangé, et il n’a pas le temps de répliquer que sa belle-sœur enchaîne :
— Comment va Madeline ?
— Pas mal, elle attend les nausées matinales : pour le moment, elle s’étonne de ne rien avoir.
— Tant mieux ! Écoute, dit-elle en changeant de ton.
Et à ce seul mot, Maxime sait qu’il va et d’un, devoir rallonger sa pause, et de deux, se préparer à toutes les possibilités. D’autant que son interlocutrice vient de prendre une grande inspiration.
— J’ai eu une idée, et elle me trotte dans la tête depuis l’autre soir… J’ai l’intention d’aller chercher Sally, où qu’elle soit au Japon. Et je vais la ramener.
Maxime laisse passer un silence stupéfait. Sally, la fille prodigue ?
— Et ça te prend d’un coup, comme ça ?
— Max, quand Sally est partie, j’étais enceinte de trois mois, et elle ne sait rien de plus. Rien de tout ce qui est arrivé depuis. Je ne lui ai laissé aucune chance de revenir dans la famille, je n’arrivais pas à lui pardonner… Je regrette, de n’avoir rien fait à ce moment-là.
— Charlotte… Tu n’as pas à t’en vouloir.
— Je sais, j’essaye. Mais ce n’est même pas le sujet, Max. Je veux pas que ce gosse naisse dans une famille déchirée comme la nôtre. Je ne sais pas comment tu vois les choses de ton côté, mais je sais que Madeline ne fera rien.
Elle n’a pas tort, pense-t-il en lui-même. Sa femme ne mentionne même pas le prénom de sa sœur.
— Et tu ne penses pas qu’il faudrait en toucher un mot à Madeline ? Demande-t-il prudemment.
— On peut simplement lui dire que je prépare une baby-shower, et puis je broderai. Mais je n’ai pas très envie de lui parler de tout ça.
— Tu as peur qu’elle refuse, c’est ça ?
Silence à l’autre bout du fil, Maxime sait qu’il a raison.
— S’il te plaît, Max… Ne lui dis rien. Déjà parce que je ne suis pas sûre de réussir à ramener Sally. Et puis j’ai besoin de faire ça, pour moi aussi.
Que répondre à cela ? Alors, Maxime accepte, parce que Charlotte a touché un point très juste : rien n’est dit que Sally réponde à l’appel.
Il n’est sûr de rien, en remontant au laboratoire et à ses recherches. Ni du retour de Sally, ni si Madeline apprécierait la surprise.
Les marches du métro retardent l’amoureux
C’est stupide, se dit Élie en remontant les marches du métro quatre à quatre. Tu es en retard pour une raison stupide. Délicieuse, et stupide.
Il existe des personnes à la beauté timide et au charme discret, que l’on découvre à l’occasion d’une conversation, où leurs yeux se mettent à briller d’une lueur toute particulière. Ce n’est pas le cas d’Élie. Toute personne un peu censée et amatrice de beauté se retourne sur son passage.
Tu es un imbécile, cesse de négocier avec toi-même, pense-t-il en ignorant les regards qui s’arrêtent sur lui, les yeux qui cherchent les siens. Elle t’a dit qu’elle ne voulait pas davantage, alors t’emballe pas, mon gros. Et tu sais qu’elle a raison, ça ne fonctionnera jamais.
Il aurait dû prendre l’ascenseur, ou l’escalator, le jeune homme. Elle est bien basse, la station sur l’île de la Cité… ! Mais comme il pestouille, qu’il se ronge les sangs, il a oublié ce détail. Ses poumons qui crachent et son rythme cardiaque grimpant le lui rappellent délicatement. Il y est presque, à la surface.
Temps de remettre le masque et d’enfouir tout ça, mon vieux. Pas question qu’ils remarquent quoique ce soit.
Parce qu’il lui a juré, à sa belle, qu’elle ne nourrirait pas les potins.
L’appel du 28 février du Général Charlotte
Charlotte et Maxime en sont à leur deuxième café, confortablement installés dans un petit bar de l’Île de la Cité, en face du travail du Maxime, quand enfin, ils voient arriver Élie, essoufflé, ébouriffé, et les yeux verts rieurs.
— Eh bien, on ne t’attendait plus, fait Maxime dans un sourire.
— Pauvres bonnes gens, j’espère que vous n’avez pas consommé un salaire de café en m’attendant dans ce repère à fortunés touristes, déclame Élie, toujours aussi théâtral.
Charlotte éclate de rire et lui tire la dernière chaise qu’il reste autour de leur table. Elle sait qu’Élie vient de Montreuil : elle lui pardonne donc son retard.
Sauf qu’Élie ne vient pas de Montreuil, mais cela, Charlotte ni Maxime ne le savent.
Une fois que chacun a été ravitaillé en café, et que les dernières nouvelles ont été échangées, Charlotte prend la parole pour expliquer cette réunion pour le moins inhabituelle. Elle explique pour la troisième fois son projet, devant le regard d’Élie qui s’est posé et écoute attentivement la jeune femme. C’est qu’elle est plutôt décidée, notre Charlotte, et elle connaît parfaitement les réticences de ses amis.
— Je sais que Madeline n’est pas au courant, mais je sais aussi qu’on ne peut pas rester éternellement en froid avec Sally. Et puis, c’est quand-même dingue, cette histoire. Personne ne sait pourquoi Sally est partie.
— Je n’ai rien dit, plaisante Élie en souriant, les mains en l’air comme pour prouver son innocence.
— Je sais, j’ai anticipé tes arguments contre.
Maxime sourit, malgré son inquiétude qu’il nourrit toujours au fond de son ventre. Il a tenu deux jours sans en parler à Madeline, mais il ne sait pas s’il pourra davantage.
— Au cas où tu n’aurais pas remarqué, elle est plutôt décidée, ajoute Maxime, taquin.
Il reçoit immédiatement un regard faussement furieux de Charlotte, qui ne se démonte pas et poursuit. Elle n’a pas abattu sa dernière carte, et jette un œil aux deux compères, qui à leur tour échangent un regard mi-inquiet, mi-amusé.
— Il y a une chose que je ne vous ai pas dite. C’est maman qui m’a donné l’idée…
— Anne est au courant ? La coupe Maxime, sincèrement étonné.
— Oui, Anne sait tout, et elle est, comment dire… dubitative mais elle me soutient.
Évidemment qu’elle la soutient, pense Maxime en son for intérieur. Il n’a pas le temps de poursuivre sa réflexion sur la relation presque fusionnelle qu’entretiennent sa belle-mère et son amie, ce qui fait que le soutien d’Anne n’est pas nécessairement un argument solide à ses yeux. Charlotte enchaîne rapidement. Elle est quelque part entre l’exposé calme d’un projet et une excitation telle qu’elle parle comme si les mots lui brûlaient la bouche.
— L’idée de la réunion, ça ne vient pas d’elle. Mais elle m’a donné l’idée d’un truc parfait, pour concrétiser. Ça s’appelle le Bai Ji Bei, c’est une tradition chinoise pour la naissance d’un bébé. C’est une couverture composée pour le bébé, et chaque membre de la famille, ami ou ange gardien, choisi ou offre un carré de tissu et tous sont cousus ensemble pour former une couverture. Chaque carré est accompagné d’un vœu pour l’enfant…
Le regard de Maxime a changé. Elle ne lui avait pas parlé de la couverture, au téléphone. Elle avait noyé le poisson avec cette histoire de baby-shower qui ne l’avait pas vraiment convaincu. Mais ça, c’était une idée épatante qui motivait l’heureux futur papa.
— Donc l’idée, c’est qu’on participe tous à la couverture ? Demande Élie.
— Oui.
Puis, Charlotte s’arrête pour réfléchir : comment refléter l’émotion qui a pris naissance dans son ventre ? Élie et Maxime la regardent, conscients qu’elle a besoin du silence pour rassembler les mots qui cognent dans sa tête.
— En fait, j’aimerais que la couverture symbolise tout l’amour dont cet enfant est et sera entouré. Et ça ne peut pas se faire si nos familles sont éclatées comme elles le sont en ce moment.
Les deux jeunes hommes échangent un regard : ils savent à quoi Charlotte fait référence, même si c’est un sujet plutôt tabou dans leur famille. Ils hochent la tête, sans rien dire car leur amie a les larmes aux yeux.
— Et comment tu vas t’y prendre ?
— Je vais y aller. Au Japon.
— Je parlais de la couture pour la couverture, mais il y a ce détail-là, aussi, dit Maxime avec un léger sourire.
— C’est maman qui a trouvé un atelier, dans l’Oise, Les 100 Vœux, qui organise, coud la couverture, et imprime le livret des vœux pour la naissance du bébé. Je ne les ai pas encore contactés.
— Et tu vas aller au Japon, toute seule ? Demande Maxime en marchant sur des œufs.
— C’est un problème ?
Ouille ! Maxime, tu ne l’as pas vue venir, celle-là. Il se recule, comme un gosse pris en flagrant délit d’une bêtise par ses parents, et je dois vous dire que c’est presque drôle, cette petite mine contrite – mais non, je ne suis pas méchante !
Après tout, une conteuse doit savoir s’amuser, non ? Bon, eh bien, continuons…
— Du moment que tu ne reviens pas avec la furieuse envie de former un gang de Yakuza tatoués, va, vole petite hirondelle ! Dit Élie en rigolant. Merci pour le désamorçage, mon vieux, pense Maxime en souriant, soulagé de l’intervention de son cousin. Charlotte soupire mais le calme revient. Quand les trois jeunes gens se séparent, ils se demandent, chacun de leur côté, comment tout cela va se terminer. Ou commencer, selon le degré d’optimisme.
Les pagodes japonaises et la jeune fille en colère
Au Sud de l’archipel du Japon, près du Lac Biwa, l’ancienne capitale impériale se dresse dans toute sa splendeur. Le froid est vif, en cette fin d’hiver, mais Sally aime le froid. Elle remonte l’un des canaux qui traversent la ville, lovée entre collines et monts. Elle est partie marcher pour faire passer son agacement. Lola ne rentrera que tard ce soir, après son concert au club.
De loin, elle aperçoit les toits des pagodes des innombrables temples de la ville, qui lui a donné le plus beau refuge qu’elle aurait pu espérer. D’où qu’on la regarde et où que l’on soit, Kyoto est d’une beauté à couper le souffle.
Une fois rentrée dans leur petit appartement, un cocon où tout est doux, la marque de fabrique de Lola, qui compense assez bien l’impétuosité et l’aptitude au bordel de Sally, elle relit encore une fois le mail de sa grand-mère.
Et serre les dents. Oh oui, elle flambe, Sally. Non seulement sa sœur va venir, mais en plus sa grand-mère lui demande d’être conciliante ! Lui donner une chance ? À cette sœur si éloignée, qui forme avec sa mère comme un bloc indissociable ?
À la seule pensée d’Anne, sa mère, elle sent la rage bouillonner plus encore dans son ventre, prête à exploser. Alors, elle inspire à fond puis expire, en se lavant les mains. Là, c’est mieux petite Sally : maintenant, il n’y a plus rien à faire qu’attendre Lola, précieuse Lola.
Qui finit par arriver, vers deux heures du matin, et trouve Sally sur le canapé, les genoux repliés sous le menton, incapable de lire, encore moins de dormir. Elle lève vers Lola un regard fatigué et triste, qui déchire le cœur de Lola. La jeune fille aux cheveux courts et décolorés dans un blanc nacré, pose son manteau et enlace Sally, enfouissant son nez dans son cou. Ce seul geste suffit à apaiser le volcan en son cœur.
— Je suis désolée, je n’ai pas réussi à sortir plus tôt, murmure Lola.
— Pas grave, j’ai laissé couler la lave sans toi, sourit Sally, qui sait bien comme ses colères sont difficiles à gérer.
— Tu as répondu ?
— Non. Que veux-tu que je lui dise ? J’ai l’impression d’être trahie, ou qu’elle ne m’a jamais comprise, finalement.
— Tu ne penses pas qu’elle essaye simplement de t’aider ? C’est ta grand-mère, tu sais, elle sera toujours de ton côté.
Comment elle fait, Lola, pour avoir toujours les mots justes ? Sally la regarde et elle pourrait pleurer tant elle l’aime. Une chose de plus qu’elle n’a jamais partagé avec sa famille. C’est qu’elle en a du lourd, Sally. Et son coming-out serait sûrement la moindre des choses.
— Ah, ils veulent des nouvelles ? Ça va être salé, c’est moi qui te le dis ! S’exclame Sally, le ton revanchard.
Lola sourit pour masquer son inquiétude. Elle a un peu peur de l’impulsivité mêlée à la colère de sa petite amie. Elle aussi, a reçu un message aujourd’hui, dont elle n’a pas parlé à Sally. Un message de Charlotte, qui reprenait contact, qui voulait savoir où atterrir, qui voulait qu’elles s’appellent. Une grand sœur sincèrement intéressée par sa petite sœur.
Lola sait trop bien ce qui a fait fuir Sally, et elle a peur que cette rupture avec sa famille ne finisse par lui jouer des tours et qu’elle manque des événements importants de la vie de ses sœurs. La route va certainement être longue pour la fille prodigue, mais Lola sait que Sally ne pourra pas se cacher éternellement dans la vaste cité impériale.
— Charlotte m’a envoyé un message, aujourd’hui, lance Lola. Elle veut vraiment venir, et me demandait notre adresse.
Sally réfléchit. Après tout, c’était peut-être l’occasion ou jamais.
— Qu’en penses-tu ?
— C’est ta famille, ma puce. Mais si tu n’as pas envie de les perdre à tout jamais, j’ai l’impression que c’est ta chance, si tu veux la saisir.
Oui, il y a cela aussi, l’occasion de renouer avec sa famille, qu’elle a quittée presque deux ans auparavant, en fuyant la France, son ex violent et sa mère, avec celle qui allait devenir son plus grand atout et l’étincelle qui manquait à sa vie.
— Eh bien, qu’elle vienne. Je la rencontrerai.
— D’accord, dit Lola avec un sourire en demi-teinte. Elle connaît trop bien ce regard. Fonce pas dans le mur, Sally.
L’insoutenable lourdeur d’un secret
De l’autre côté de la Terre, à Villejuif plus exactement, la maison de Marie-Ange et Peter est en ébullition. Ils reçoivent la famille pour un déjeuner dominical. Marie-Ange est stressée. Et ce secret qui la ronge. Le matin même, elle a ouvert un mail de sa petite fille lui annonçant qu’elle acceptait que Charlotte vienne. Pourtant… Eh, dites-moi, ne seriez-vous pas en train d’essayer de gratter des informations ? Chaque chose en son temps !
Remontons dans les airs, voulez-vous ? Marc discute avec Peter, il a toujours apprécié la conversation calme et élégante de son beau-père écossais. Marie-Ange dit de son mari qu’il ressemble à Sean Connery, et personne ne la contredit jamais. Peter tient fermement son verre, dont l’oscillation légère trouble à peine le liquide ambré. Quant à Marc, comme depuis un an et demi, il masque sa tristesse constante, un verre de pineau charentais négligemment tenu à la main.
Sur le canapé, Anne et Charlotte discutent vivement, pendant que Madeline écoute, une main posée sur le ventre. Elle observe sa sœur, Madeline, parce qu’elle sent que quelque chose a changé. Est-ce l’annonce de sa grossesse ? Ou y a-t-il autre chose ? Elle est d’autant plus méfiante qu’elle a surpris quelques échanges de regards entre sa mère et sa sœur : d’ordinaire, elle n’aurait rien suspecté, mais même son mari n’est pas comme d’habitude…
Charlotte se lève du canapé : elle va dans la cuisine, chercher le reste des biscuits apéritifs. Quand elle arrive dans la cuisine, elle trouve à sa grand-mère un air étrange. Elle se mange un peu la lèvre, préoccupée, le téléphone à la main.
— Tout va bien, Mamie ?
Marie Ange sursaute, elle n’a même pas vu entrer sa petite fille.
— Oui, oui ma chérie. Tu as besoin de quelque chose ?
Oui, de te dire que je pars au Japon dans un mois pour retrouver Sally. Mais Charlotte, tu vas vraiment le lui dire ? Après tout… Sa grand-mère pourra garder ce secret-là, non ?
— Mamie, je vais aller retrouver Sally, au Japon.
— Je sais.
Charlotte lâche le paquet de biscuits qu’elle tenait à la main, le regard rivé sur sa grand-mère.
Derrière elles, Madeline se tient à la porte, les yeux brillants.