Une sombre histoire de ficelles, et de casseroles
On avait laissé Charlotte, toute ébaubie, et Madeline, la pauvre Madeline, paralysée par la révélation de sa grand-mère et celle de sa sœur. Mais elle ne va pas rester longtemps paralysée, Madeline… Croyez-en ma longue expérience des craquages familiaux !
Alors, voyons ce qu’il se passe maintenant dans cette petite cuisine de Villejuif…
— Tu savais ?
Ça, c’est Charlotte. Elle est un petit peu… comment dire ? Choquée, par ce qu’elle est en train de comprendre. Mais l’information n’a pas le temps de remonter davantage dans son cerveau, parce qu’elle a entendu quelqu’un renifler derrière elle.
Elle fait volte-face, et voit Madeline, une expression très étrange sur le visage, quelque part entre la constipation et la rage, se dit-elle, choquée. Sans rire, il faut comprendre Charlotte : elle n’a jamais, en vingt-six ans, vu sa sœur cadette en colère. Alors, elle regarde ce visage tordu par l’émotion avec un mélange de curiosité et de terreur : Madeline, en colère ? Mince, alors…
— Vous ! Vous deux ! Articule Madeline, la voix brisée par les sanglots.
— Madeline, s’il te pl…
Mais Charlotte n’a pas le temps de penser à terminer sa supplique.
— Tais-toi ! Je n’arrive pas à le croire ! Hurle-t-elle.
Marie-Ange et Charlotte se tiennent, penaudes, dans la cuisine. Elles non plus, n’arrivent pas à le croire. Madeline en colère est une sorte de déesse terrifiante, qui paraît soudain très grande dans l’encadrure de la porte, et tient d’une main son ventre, en mère protectrice blessée.
— Maddy, je t’en prie, commence Marie-Ange.
— Depuis combien de temps ? La coupe Madeline, à brûle-pourpoint.
Marie-Ange soupire.
— Depuis le début…
Ni Madeline, ni Charlotte, ni Marie-Ange, ne se sont aperçues qu’entre-temps, Marc, Anne, Maxime et Peter ont débarqué. Madeline s’est avancée, avec un doigt accusateur pointé sur sa grand-mère, et tout le monde se tient là, dans un silence glacial.
C’est Marc qui le brise, d’une voix très douce. Il n’est pas sûr d’avoir entendu, Marc. Il ne voudrait pas juger à l’emporte-pièce…
— Que se passe-t-il, enfin ?
Comme si la voix de son père la ramenait sur la terre ferme, Madeline retombe du haut de sa colère. Soudain, ce n’est plus une déesse furieuse et vengeresse, c’est une femme blessée. Elle parle avec peine, et désigne Marie-Ange, d’un coup de tête, en évitant son regard.
— Je te laisse leur expliquer, mamie.
Alors, Marie-Ange raconte. Elle prend une grande inspiration, rassemble tout son courage, et, devant sa famille, raconte comment, depuis un an et demi, elle entretient une correspondance avec Sally. Et comment Sally lui a fait jurer le secret sur cette correspondance, sous peine de couper les ponts avec elle aussi.
— C’était la seule manière que j’avais de garder sa confiance…
— Tu avais des nouvelles de notre fille… et tu ne nous as rien dit ? S’écrie Marc, dont la colère est mieux maîtrisée que celle de sa fille.
Et en moins d’une minute, le brouhaha furieux qui s’élève de la petite pièce est aussi pesant que le silence qui y régnait cinq minutes auparavant. Tout le monde parle en même temps, comme si Madeline avait ouvert les vannes de la colère, qui déverse son flot rouge sombre, éclaboussant les murs, et les cœurs.
Charlotte se tient au milieu, la main sur la bouche. Elle se sent responsable de tout cela ; et elle n’est pas vraiment surprise. Elle sait bien, Charlotte, que c’est comme en thérapie : quand on commence à fouiller la merde, on tire sur une ficelle, et on ressort une casserole. Puis une autre, et puis toute une ribambelle, attachées les unes aux autres par cette maudite ficelle. Et il faut bien les nettoyer, ces casseroles, avant de penser à se débarrasser de la lie d’où on les a retirées.
Mettre au jour les problèmes, Charlotte sait que ce n’est que la première étape – et elle est presque reconnaissante d’avoir une famille volcaniquement colérique – même si, dans le cas de Madeline, c’est inattendu – plutôt que des gens qui ne parlent pas, et renferment tout à l’intérieur. Bordel que c’est dur, se dit-elle, effarée, mais que c’est nécessaire.
Et pour être le bordel, c’en est un ! Marc est furieux contre Marie-Ange, qui est désolée ; Peter demande à Marc de baisser le ton quand il parle à sa belle-mère ; Maxime avoue qu’il savait pour le projet de Charlotte, et Madeline lui tourne le dos pour demander des explications à Charlotte. Pendant ce temps, Anne regarde sa petite famille se déchirer, et elle a beau avoir une envie furieuse de sortir s’allumer une cigarette, elle sait qu’elle doit agir.
— C’est fini, oui ?
Sa voix a surgi, comme portée par un micro, d’une puissante presque céleste. Boum, tout le monde se tait, d’un coup d’un seul. Fortiche, Anne, n’est-ce pas ?
— On va chacun rentrer chez soi. Pour le moment, ça ne sert à rien d’insister, c’est clair ? Pas la peine de se ruiner la cervelle, on s’expliquera à tête reposée.
Il y a comme une respiration, dans la cuisine, et Marie-Ange ouvre une fenêtre, malgré le froid piquant de ce début de février. Les trois jeunes sortent de la pièce, Charlotte posant la main sur l’épaule de sa sœur ; Madeline n’est plus en colère contre sa sœur, mais elle a besoin de comprendre. Quant à son mari, elle ne préfère pas y penser pour le moment.
Derrière eux, ils entendent Peter jurer copieusement en anglais – le seul langage qu’il s’autorise pour les jurons, ce qui fait rire Charlotte et Madeline, un petit peu. Elles ont toujours adoré entendre les jurons anglais et écossais de leur grand-père, surtout du moment où elles les ont compris. Et ce rire fait redescendre la pression, comme une soupape qui s’ouvre.
Sauf que dans la cuisine, Peter ne rigole pas. Il a voulu replacer son verre sur la table, mais s’est loupé, et le verre s’est brisé en mille morceaux, à ses pieds.
— Bugger ! Screw ya damn shite !
— Peter, ce n’est pas grave, je vais ramasser, intervient Marie-Ange, habituée aux éclats de son mari.
— Certainement pas ! Laisse-moi réparer mes conneries, et va réparer les tiennes, lance-t-il.
Silence de mort dans la cuisine. Jamais personne n’a entendu Peter parler de cette manière-là à quiconque, et encore moins à sa femme. Son pineau était frelaté, peut-être ? Sans chercher à en savoir plus, voyant que son père ouvre déjà le placard à balais, Anne prend sa mère par la main, tout en faisant un signe de tête à son mari pour qu’il les suive. C’est qu’elle connaît la fierté de son père, qui frise l’orgueil. Quand il est comme ça, rien ne sert de se heurter à sa tête dure de vieil Écossais.
Dehors, Madeline et Maxime s’apprêtent à repartir. En lui disant au-revoir, Charlotte s’excuse encore une fois.
— Je suis désolée, j’aurais dû t’en parler, j’ai fait une erreur de jugement, c’est ça qu’on dit ?
— Je sais pas, dit Madeline en souriant. J’ai beau être avocate, je pourrais pas t’écrire ta défense, là. Mais je comprends. On en reparle plus tard, d’accord ?
Charlotte est soulagée. Cela dure peu de temps. De derrière, elle entend arriver la voiture : son père veut repartir au plus vite, lui aussi. Anne salue ses parents de loin, et Marc fait vrombir le moteur. Et voilà pour un repas dominical, pense Charlotte, l’estomac dans les talons.
Le silence des macchabées de Bagneux
Marc a les mains crispées sur le volant. Il s’en veut de s’être emporté, il en veut à sa belle-mère d’avoir caché sa correspondance avec Sally. Il en veut à Anne, de n’avoir pas su. Bon dieu, il en voudrait presque à Sally d’être partie, mais il l’aime trop, sa gamine. Il s’en veut, de n’avoir pas su trouver les bons mots, le jour où elle a compris, le jour où elle a appris… Il a voulu protéger sa femme, et il a laissé filer sa fille, même s’il ne regrette rien.
Quand ils arrivent, machinalement, tout le monde reste dans la cuisine, tandis qu’Anne ouvre la porte-fenêtre, après tout, le silence des macchabées ne sera pas pire que le leur. Anne cherche le regard de son mari, sans le trouver. Elle allume sa cigarette, en propose une à sa fille. Marc reste là, s’ouvre une bière, appuyé sur le plan de travail.
Charlotte et sa mère se regardent, n’y a-t-il vraiment plus rien à dire ?
Marc finit sa bière, la pose dans le bac à verre. Avant qu’il ne sorte de la pièce, il s’immobilise, sur le pas de la porte : sa fille l’a rappelé.
— Papa !
Elle souffle sa fumée de sa cigarette, en attrapant le regard triste de son père.
— Je vais la ramener, tu sais.
Marc fait un signe de tête, et s’en va d’un pas feutré.
— Il s’est passé quoi, avec Papi ?
— Je sais pas… J’appellerai ta grand-mère. Il est bizarre en ce moment.
Charlotte hoche la tête, en se disant que c’est simplement la série qui continue, qu’il faut en passer par là. En écrasant sa cigarette dans le cendrier, s’apprêtant à remonter dans sa chambre, elle est plus convaincue que jamais qu’il faut ramener Sally.
Elle laisse Anne, qui a rallumé une cigarette. Anne a le blues, et elle préfère le rock, le hard-rock, le punk, elle préfère quand ça bouge, quand ça sautille, quand c’est débilement joyeux ou violemment engagé. Mais elle n’aime pas ce blues qui la prend. Sourd, profond, rythme d’un balancement triste.
Pour la première fois, en trente-trois ans de relation, elle sent que Marc est distant. Pas une seule fois, il ne l’a regardée aujourd’hui. Elle ne sait pas pourquoi, et ça l’énerve. Même les macchabées de Bagneux ne lui disent plus rien. Eh bien, allez au diable ! Pense-t-elle, en regrettant immédiatement. On n’insulte pas les morts, Anne, ils n’y peuvent rien. On prend son téléphone, on appelle sa mère, et on lui demande pourquoi, bordel, pourquoi n’a-t-elle rien dit, pendant un an et demi ?
À ronger son frein en voiture, il arrive des bricoles
— Maxime, je préfèrerais sincèrement que tu te concentres sur la route. Ce n’est pas le bon moment pour parler de ça.
Cela fait trois fois que Maxime s’excuse, et Madeline a entendu. Mais elle est encore un peu colère, un peu de cette déesse qui reste en elle, et lui chuchote à l’oreille qu’elle ne peut pas accepter que son mari lui ait menti.
— Maddy, je t’en prie, je ne sais plus quoi te dire. Je pensais bien faire…
Alors elle soupire, Maddy, la petite Maddy qui ne s’énerve jamais, car la tigresse est réveillée.
— Bien, dit-elle d’un ton sec. Tu veux en parler ? Je suis scandalisée, que tu m’aies caché un truc pareil ! Je peux mille fois le comprendre de Charlotte, c’est ma sœur, et entre ça et ce qu’elle a vécu, ça ne me surprend pas. Et puis c’est ma sœur, merde. Toi et moi, on est marié. Ça te dit rien, les vœux qu’on s’est dit, ce jour-là ?
Bien sûr, que Maxime se rappelait. Il serre les dents, attendant que l’orage passe.
— Bien, donc tu te souviens. C’était une journée merveilleuse, et on s’est juré fidélité, et il y avait un truc, à propos de l’honnêteté, non ?
Il ne savait pas, Maxime, s’il devait être plus effrayé par le contenu ou le contenant. Madeline parlait avec une voix calme, d’un ton légèrement saccadé, et ses yeux roulaient de colère, encore. Par contre, il savait que, dans leurs vœux remaniés, pour leur correspondre parfaitement, lors de la belle cérémonie qu’ils avaient composée ensemble, ils avaient effectivement parlé d’honnêteté, de droiture, ce genre-là.
Serre pas les dents comme ça, Maxime ! Tu vas finir par les faire sauter.
— Je peux pas comprendre que tu m’aies menti…
Là-dessus, Madeline n’a pas le temps de finir sa phrase, ni sa pensée. C’est à peine si elle aperçoit, dans sa vision périphérique, à sa droite, la voiture arriver à toute vitesse.
C’est elle, qui a hurlé ? Ou c’est le bruit du crissement des pneus ? Elle jette un œil à Maxime, et elle entend un bruit sourd, derrière.
La voiture est à peine déstabilisée, mais ils sont à soixante-dix kilomètres à l’heure, sur le carrefour. Maxime ralentit doucement, après les feux, et se gare en double-file, comme il peut, choqué.
Vue du dessus ? Les amis, laissez-moi vous dire qu’on vient d’échapper à un drame ! Quelle trouille j’ai eu ! Parce qu’à la vitesse à laquelle elle allait, cette voiture… Je ne vous refais pas le tableau, n’est-ce pas ? Mais, respirez donc ! Tout va bien, je vous le promets. La voiture qui a grillé le feu rouge a simplement laissé son rétroviseur, arraché contre le coffre de Maxime et Madeline, parce que celui-ci a eu le réflexe improbable – et excellent – d’accélérer pour éviter le chauffard.
Maxime sort pour faire le tour de la voiture. Il remonte, voit sa femme qui se mord les lèvres en le regardant.
— Mais qu’est-ce que c’est que cette journée de merde ? Lâche-t-elle, tremblante et les larmes aux yeux.
Il la prend dans ses bras, respire ses cheveux, embrasse sa tempe, pose son front sur le sien. C’est fini, ma belle, c’est fini, pense-t-il sans arriver à sortir les mots.
— Allez, on rentre à la maison, mon amour, dit-il après un moment.
Il redémarre, et elle soupire.
— Avec un peu de chance, la poignée de la porte me restera pas dans la main, dit Maxime pour détendre l’atmosphère.
Le seul problème, c’est qu’elle n’a pas l’air de vouloir se laisser détendre, l’atmosphère.
— Maxime, je… Je vais avoir besoin d’un peu de temps, pour digérer ce qu’il s’est passé. Je t’aime, mais là, j’ai besoin de redescendre.
Là, c’est plutôt lui qui soupire.
— T’as merdé, Maxime. Ça arrive. Ça ira mieux demain.
Mince, alors. Il jette un coup d’œil à sa femme, qui prend une nouvelle dimension. La main toujours posée sur son ventre, comme une aigle qui veillerait sur ses œufs, Madeline regarde droit devant elle, enfoncée dans son fauteuil. Elle pense au bain qu’elle va prendre en rentrant, et à la journée de boulot qui l’attend, le lendemain. Ça grince, à l’intérieur, quand elle pense au boulot, en ce moment. C’est bon, Bébé, t’en fais pas. je veille sur toi. Elle parle à son fœtus, Maddy. Elle vient de se découvrir une force nouvelle, c’est qu’elle existe, quelque part au milieu de toutes les gueules plus ou moins grandes de sa famille, qu’elle adore.
Maryam, douce Maryam, ne vois-tu rien venir ?
Madeline sort enfin du bureau, il pleut sur le béton gris de l’ouest parisien, où elle travaille. Cette petite pluie gelée, qui vous traverse jusqu’aux os, avec ce vent du Nord, qui donne aux pauvres hères qui sont dehors, l’envie soudaine de se transformer en renard arctique, juste pour pouvoir mieux se protéger du froid.
Elle remonte son col d’une main, en descendant dans les couloirs du métro. Le courant d’air lui décape la peau, et elle s’empresse de monter dans la rame, arrivée par chance en même temps qu’elle sur le quai.
En sonnant chez Maryam, dans son petit appartement près de la place de la Nation, dans le XXème arrondissement, elle a hâte, hâte de tout. De partager une tisane bien chaude avec son amie, d’enlever son manteau trempé, et de se réchauffer le corps et le cœur.
Et de parler, surtout ! Elle lui doit un compte-rendu complet des événements de la veille, n’ayant pu en parler que succinctement, par textos échangés dans la soirée. C’est Maryam qui avait lancé l’idée :
« Viens demain, t’as pas le choix. Je t’appâte avec de la tisane de thym. »
Drôle d’appât, me direz-vous : d’aucunes ont faim, Madeline, elle, a des envies de tisanes de thym, depuis le début de sa grossesse. Je vous vois rire, dans le fond. Maxime a essayé, par ailleurs : il a maudit la Provence, ses herbes, et la drôle d’idée d’en faire des tisanes quand c’est si bon dans une pizza.
— Entre, entre, fait Maryam de sa voix grave, douce et feutrée.
Madeline plisse son nez de délectation anticipée : il fait bon dans l’appartement, et elle hume déjà l’odeur de la tisane. Elle est plus heureuse qu’elle ne le pensait de passer du temps avec sa meilleure amie.
Une fois installées, Madeline commence. Et poursuit. Et parle, en fait, hallucinée, par son propre récit, de ce qu’elle-même raconte. Maryam écoute, le menton posé dans la main, et… chose étrange, le téléphone vissé dans l’autre.
— Quelle histoire, souffle-t-elle, en remettant une boucle derrière son oreille.
— Ne m’en parle pas…
— Mais tu en penses quoi, toi, que Charlotte aille chercher Sally… ?
Maryam est prudente : c’est la première fois en un an et demi qu’elles abordent le sujet. C’était un territoire interdit, avant. En plus, elle a appris que son amie s’était mise en colère… ! C’est pour ça que Madeline soupire, prend une gorgée de tisane et repose doucement sa tasse. Elle ne veut pas se planter, elle y a réfléchi une bonne partie de la nuit.
Ignorant le fait que son amie réponde encore à un message, elle énonce, lentement :
— Je crois que je me suis rendue compte, vue ma réaction, que j’en veux à Sally. D’être partie, de nous avoir blessés, tous. Elle nous a laissés tomber. Ça m’énerve d’autant plus avec tout ce qu’il s’est passé depuis. On aurait pu utiliser une force supplémentaire pour Charlotte…
Maryam hoche la tête. Et la repenche sur son téléphone, un minuscule sourire se formant sur son visage, qu’elle tâche de taire, immédiatement.
— Dis-moi, tu as une appli d’hypnose, sur ce téléphone ? Fait Madeline, taquine.
— Oh, non, non, c’est le boulot, un truc urgent avec lequel ils me cassent les pieds, élude Maryam détournant le regard.
Mais bien sûr, pense Madeline en son for intérieur. Avec qui Maryam parle-t-elle ? Parce qu’elle connaît son amie, et elle est à peu près certaine que ce n’est pas le boulot, qui la fait sourire comme ça. Mais Madeline est une chic fille : elle sait aussi que son amie a un vaste jardin secret, alors elle refoule avec une gorgée de tisane, la question qui lui brûle les lèvres.
Maryam appuie sur « Envoyer », et pose son téléphone, pour se concentrer sur sa meilleure amie. Elle sait que le sien est un secret de polichinelle, mais elle n’est pas prête pour le moment à en parler.
Non loin de là, dans le bas Montreuil, dans un autre studio, Élie repose son téléphone sur la table, en souriant un peu stupidement. Il sort d’un rendez-vous galant, l’un de ceux, nombreux, que notre adorable Don Juan préféré a dégoté via les nombreux moyens qui existent de nos jours.
Mais il a écourté. Comment se concentrer sur une fille, aussi jolie soit-elle, quand une belle Maryam vous envoie des messages, laissant penser qu’ouverture il y aurait ? Il se sent tout drôle, un peu flou, Élie. C’est quoi ce truc dans son ventre ? T’es pas en cloque, quand-même, Élie ?
Il relit une dernière fois le message :
« On parle demain, Maddy devient suspicieuse. Mais c’est dur de te résister, sale gosse. »